j

Newsletter

Social,Paye

Partage de la valeur

Partage de la valeur en cas de bénéfices réguliers dans les petites entreprises et le secteur de l'ESS : les précisions du ministère du Travail

La loi Partage de la valeur du 29 novembre 2023 a créé un dispositif expérimental créant une obligation de partage de la valeur à charge des entreprises d’au moins 11 salariés non tenues de mettre en place la participation, en cas de bénéfice net fiscal supérieur ou égal à 1 % de leur chiffre d’affaires pendant les 3 derniers exercices. Une seconde expérimentation, reposant sur une logique analogue, concerne certaines associations, fondations, coopératives et mutuelles. Ces dispositifs viennent de faire l’objet de précisions sous forme de questions/réponses publiées le 8 juillet 2024 sur le site du ministère du Travail.

Rappels des mesures de la loi Partage de la valeur concernant les entreprises en bénéfice

La loi « Partage de la valeur » du 29 novembre 2023 a prévu trois dispositifs visant à inciter les entreprises de 11 salariés et plus réalisant un certain niveau de bénéfice à mettre en place un mécanisme pour en partager les fruits avec leurs salariés.

Une première série de questions/réponses avait été publiée en juin sur le dispositif pérenne, qui concerne les entreprises tenues de mettre en place la participation (schématiquement, celles d’au moins 50 salariés) et disposant d’au moins un délégué syndical (voir notre actu du 18/06/2024, « Partage de la valeur en cas de bénéfice exceptionnel des entreprises d'au moins 50 salariés : des questions/réponses du ministère du Travail »).

Le ministère du Travail vient de publier sur son site internet une nouvelle série de questions/réponses portant sur deux autres dispositifs mis en place par la loi, cette fois à titre expérimental pour 5 ans :

-celui concernant les entreprises de 11 salariés et plus non tenus de mettre en place la participation (donc, schématiquement, celles de 11 à moins 50 salariés) (loi 2023-1107 du 29 novembre 2023, art. 5, JO du 30) ;

-celui concernant les associations, fondations, coopératives et mutuelles de 11 salariés et plus (loi 2023-1107 du 29 novembre 2023, art. 6, JO du 30).

Nous exposons ci-dessous les principales précisions apportées par les questions/réponses.

À noter : rappelons que ces questions/réponses n’ont pas de valeur juridique opposable. Elles nous éclairent sur le point de vue de l’administration et sont, comme toutes les questions/réponses publiées en ligne, susceptibles d’évolutions.

Entreprises de 11 salariés et plus réalisant des bénéfices réguliers et non tenues de mettre en place la participation

Dispositif expérimental : durée et date d’effet. - Ce nouveau dispositif vise à impulser le partage de la valeur dans les TPE/PME de 11 salariés et plus non soumises à l’obligation de mettre en place de la participation et qui réalisent des bénéfices réguliers pendant 3 exercices consécutifs.

Il est applicable de façon expérimentale à partir du 1er janvier 2025, pour 5 ans à compter de la promulgation de la loi Partage de la valeur. L’expérimentation prendra donc fin le 29 novembre 2028 (Q/R 8 et 9).

Entreprises concernées. – La loi prévoit que les entreprises d'au moins 11 salariés réalisant un bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % du chiffre d’affaires (CA) pendant trois exercices consécutifs et qui ne sont pas tenues de mettre en place la participation aux résultats (schématiquement, les 11 à moins de 50 salariés) devront mettre en place un dispositif de partage de la valeur au titre de l'exercice suivant (loi 2023-1107 du 29 novembre 2023, art. 5).

L’administration précise que ce dispositif ne vise que les entreprises constituées sous forme de société (Q/R 1).

Comme le prévoit la loi, ne sont pas concernées :

-les entreprises individuelles (Q/R 4) ;

-les entreprises qui relèvent du statut des sociétés anonymes à participation ouvrière (SAPO), si elles ont versé un dividende à leurs salariés au titre de l’exercice écoulé et n’ont pas fait usage de la possibilité de verser un dividende prioritaire proportionnel au capital social aux actionnaires en capital (Q/R 4) ;

-les entreprises disposant déjà d’un accord d’intéressement ou de participation (Q/R 2 et 5).

Appréciation du seuil de 11 salariés. – Depuis le décret du 5 juillet 2024, on sait que le seuil de 11 salariés se vérifie selon les règles d’effectif « sécurité sociale » (décret 2024-690 du 5 juillet 2024, art. 1, I, JO du 6 ; c. séc. soc. art. L. 130-1, I). Dans le cas général (hors entreprises nouvelles), l’effectif de référence est donc la moyenne du nombre de salariés employés au cours de chacun des mois de l'année civile précédente, décomptés conformément aux règles « sécurité sociale » (c. séc. soc. art. R. 130-1, I, II et III).

Toutefois par exception, le dispositif « sécurité sociale » d'atténuation de l'effet de seuil (moratoire de 5 ans) en cas d'atteinte ou de franchissement à la hausse d’un seuil d’effectif (c. séc. soc. art. L. 130-1, II) ne s'applique pas à ce seuil de 11 salariés (décret 2024-690 du 5 juillet 2024, art. 1, I, JO du 6).

Entreprises en cours de moratoire de 5 ans suite au franchissement du seuil de 50 salariés. - Dès que l’entreprise est soumise à l’obligation de mettre en place un dispositif de participation, elle n’est plus concernée par ce dispositif expérimental.

Or, une entreprise ne devient assujettie à la participation qu’à compter du 1er exercice ouvert postérieurement à une période de 5 années civiles pendant chacune desquelles le seuil de 50 salariés a été atteint ou dépassé (Q/R 2). En conséquence, pendant cette période de 5 ans, elle continue à relever de ce dispositif expérimental, puisqu'elle n'est pas encore tenue de mettre en place la participation.

Pour mémoire, une entreprise qui devient assujettie à titre obligatoire à la participation relève, si elle a au moins un délégué syndical, du dispositif imposant de négocier sur la définition d’un bénéfice exceptionnel et les conséquences en découlant pour les salariés en termes de partage de la valeur (c. trav. art. L. 3346-1) (voir notre actu du 18/06/2024, « Partage de la valeur en cas de bénéfice exceptionnel des entreprises d'au moins 50 salariés : des questions/réponses du ministère du Travail »).

Entreprises faisant partie d’une UES. - Les petites entreprises qui sont tenues de mettre en place la participation car elles appartiennent à une unité économique et sociale (UES) de 50 salariés et plus (c. trav. art. L. 3322-2) ne relèvent pas du dispositif expérimental TPE/PME ici commenté, mais de celui applicable aux entreprises tenues de mettre en place la participation (voir c. trav. art. L. 3346-1) (Q/R 6).

Entreprise étrangère implantée en France. – Pour le critère de niveau de bénéfice net fiscal entraînant l’obligation de mettre en place un dispositif de partage de la valeur, la loi s’appuie sur la notion de « bénéfice net fiscal » (BNF) au sens de la réserve spéciale de participation. Il s’agit donc du bénéfice réalisé en France métropolitaine, dans les DOM (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Mayotte, La Réunion), à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, tel qu'il est retenu pour être imposé à l'impôt sur le revenu ou aux taux de l'impôt sur les sociétés qui est diminué de l’impôt correspondant (Q/R 7).

L’administration en déduit qu’une entreprise de droit étranger qui dispose d'établissements permanents en France et réalise un bénéfice net fiscal en France au moins égal à 1 % de son CA sur trois exercices consécutifs est aussi concernée par cette obligation, dès lors qu’elle répond aux critères du dispositif (effectif d’au moins 11 salariés, entreprise non assujettie à titre obligatoire à la participation, etc.).

Exercices pris en compte pour la condition de bénéfice et exercice concerné par l'obligation de mise en place d'un mécanisme de partage de la valeur. - Le bénéfice net fiscal s'entend au sens retenu pour la participation aux résultats (c. trav. art. L. 3324-1, 1°).

La condition relative à la réalisation du bénéfice net fiscal (au moins 1 % du CA) s’apprécie sur les trois exercices précédents.

Compte tenu de la date d’entrée en vigueur de l’expérimentation (voir plus haut), la question de l’obligation de mettre en place un dispositif de partage de la valeur se posera pour la première fois aux exercices ouverts à partir du 1er janvier 2025, sur la base des trois exercices précédents.

Exemple (Q/R 10) : pour un exercice courant du 1er janvier 2025 au 31 décembre 2025, si l’entreprise a réalisé un bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % de son chiffre d’affaires sur les exercices 2022, 2023 et 2024, elle devra mettre en place un dispositif d’intéressement ou de participation, verser un abondement dans un plan d’épargne salariale ou une prime de partage de la valeur au titre de l’exercice 2025.

Dispositifs de partage de la valeur mobilisables. – Pour remplir leur obligation de partage de la valeur, les employeurs concernés doivent, au titre de l’exercice suivant les trois sur lesquels la condition de bénéfice a été réalisée :

-soit verser une prime de partage de la valeur ;

-soit mettre en place un régime de participation ou d'intéressement ;

-soit abonder un plan d’épargne salarial (PEE, PERCO ou PERE-CO, le cas échéant interentreprises).

À noter : le Q/R ne commente pas ce point, rappelons que les entreprises dans lesquelles un des 4 dispositifs de partage de la valeur mobilisables (participation, intéressement, abondement à un plan d’épargne salariale ; voir plus loin) est mis en œuvre et appliqué au titre de l’exercice considéré sont réputées satisfaire à leur obligation (loi 2023-1107 du 29 novembre 2023, art. 5, II). Elles n'ont donc pas à mettre en place un nouveau dispositif de partage de la valeur.

Dans tous les cas, les différents dispositifs peuvent, le cas échéant, être mis en place par une décision unilatérale de l’employeur dans les conditions prévues par les règles spécifiques qui régissent chacun d’entre eux (Q/R 11).

Si l’entreprise choisit de mettre en place un accord d’intéressement ou de participation, il n’est pas exigé que celui-ci génère obligatoirement une somme au profit des salariés. En effet, le caractère aléatoire de ces dispositifs interdit de présumer des résultats futurs. Par ailleurs, aucun montant minimum n’est exigé pour l’abondement à un plan d’épargne salariale ou le versement d’une prime de partage de la valeur (Q/R 12).

Si l’entreprise opte pour le versement d’une prime de partage de la valeur, l’accord ou la décision unilatérale de l’employeur mettant en place la PPV peut tout à fait prévoir de la réserver aux salariés dont la rémunération n’excède pas un certain plafond (ex. : 3 SMIC), comme le permet le régime de la PPV. En revanche si l’entreprise choisit un autre dispositif (intéressement, participation ou abondement), ceux-ci ont par nature un caractère collectif, sous réserve de l’éventuelle condition d’ancienneté d’au plus 3 mois qui peut être prévue par l’accord de participation ou d’intéressement, ou par le règlement du plan d’épargne (Q/R 13).

Dispositif applicable aux employeurs du secteur de l’économie sociale et solidaire

Employeurs concernés et niveau de résultat requis. - Une expérimentation spécifique de partage de la valeur est prévue pour les personnes morales de droit privé constituées sous forme de fondations ou d'associations, de coopératives, de mutuelles ou d'unions relevant du secteur du secteur de l’économie sociale et solidaire, d’au moins 11 salariés, qui ne déclarent pas de bénéfice net fiscal tel que défini pour le calcul de la participation, mais qui ont réalisé pendant 3 exercices consécutifs un résultat excédentaire au moins égal à 1 % de leurs recettes (loi 2023-1107 du 29 novembre 2023, art. 6).

Mais attention, une condition spécifique est prévue : il faut qu’un accord de branche étendu le permette (loi 2023-1107 du 29 novembre 2023, art. 6). Un employeur qui n’est pas couvert par un accord de branche étendu permettant à l’expérimentation de s’appliquer n’est pas concerné.

Si la condition de résultat excédentaire est remplie pendant 3 exercices consécutifs, ces employeurs doivent mettre en place un dispositif de partage de la valeur au titre de l’exercice suivant.

À noter : ces structures dégagent non pas des bénéfices, mais des excédents au capital, et obéissent aux principes de non-lucrativité ou de lucrativité limitée. La plupart d'entre elles, du fait de leur activité, ne génèrent donc pas de bénéfice net fiscal, de sorte qu'elles ne relèvent pas des autres dispositifs (« 11 à moins de 50 salariés » réalisant des bénéfices réguliers, « 50 salariés et plus » avec au moins un délégué syndical). D’où cette expérimentation spécifique.

Dispositif expérimental : durée et date d’effet. - L'expérimentation est menée sur une période de 5 ans à compter de la promulgation de la loi (29 novembre 2023), soit jusqu'au 29 novembre 2028.

L’obligation de mettre en place un dispositif de partage de la valeur s’applique aux exercices ouverts à partir du 1er janvier 2025, sur la base des résultats au cours des 3 exercices précédents (loi 2023-1107 du 29 novembre 2023, art. 6, IV).

Exemple : pour un exercice courant du 1er janvier 2025 au 31 décembre 2025, et à supposer qu’un accord de branche étendu permette la mise en œuvre de l’expérimentation, une association de 11 salariés et plus ayant réalisé un résultat excédentaire au moins égal à 1 % de ses recettes sur les trois exercices 2022, 2023 et 2024 devra mettre en place un dispositif d’intéressement, verser un abondement dans un plan d’épargne salariale ou verser une prime de partage de la valeur au titre de l’exercice 2025.

Entreprises exclues. - Ne sont pas concernés par cette obligation les employeurs qui ont déjà un accord de participation en cours de validité pour l’exercice concerné. Sont notamment exclues les Sociétés coopératives ouvrières de production (SCOP), coopératives agricoles et entreprises publiques qui mettent en place un dispositif de participation selon les règles spécifiques prévues par le code du travail (Q/R 15).

Dispositifs de partage mobilisables. - En raison de leur utilité sociale, les entreprises du secteur de l’économie sociale et solidaire obéissent à des principes de non-lucrativité ou de lucrativité limitée, leur rentabilité étant mise au service de la finalité sociale et la distribution des excédents limitée. Par leur activité, elles ne génèrent pas de bénéfice net fiscal et ne peuvent donc pas verser de participation (Q/R 16).

C’est pourquoi la loi a prévu que ces structures peuvent :

-mettre en place un dispositif d’intéressement ;

-verser un abondement dans un plan d’épargne salariale (PEE, PERCO ou PERE-CO, le cas échéant interentreprises) ;

-ou verser une prime de partage de la valeur.

S’agissant de l’intéressement, ce dispositif peut reposer sur des résultats financiers comme sur la performance de l’entreprise c’est-à-dire des critères extra-financiers. Cependant si le mode d'intéressement à la performance de l’entreprise donne aux partenaires sociaux une grande latitude dans l'établissement de la formule de calcul, il doit refléter le mieux possible la contribution des salariés aux performances de l’entreprise (Q/R 16).

À noter : le Q/R ne commente pas ce point, mais rappelons que les structures dans lesquelles un des 3 dispositifs de partage de la valeur mobilisables (participation, intéressement, abondement à un plan d’épargne salariale) est mis en œuvre et appliqué au titre de l’exercice considéré sont réputées satisfaire à leur obligation (loi 2023-1107 du 29 novembre 2023, art. 6, III). Elles n'ont donc pas à mettre en place un nouveau dispositif.

Questions/réponses du ministère du Travail du 8 juillet 2024 https://revuefiduciaire.grouperf.com/plussurlenet/complements/20240709_qr_loi_n2023-1107_-_experimentation_e_11_a_49_salaries.pdf